Rencontre avec un ancien maître d'école
La chronique ci-dessous ne va pas vous parler des oiseaux appelés inséparables, petits psittacidés vivant dans le sud de l’Afrique et dont le nom tient au fait que ces oiseaux demeurent en couples extrêmement longtemps.
Nous avons fait paraître dans le bulletin précédent le témoignage d’André COSTES ancien maire de la commune entre 1965 et 1989. Pendant très longtemps, 3 personnages étaient très importants dans un village : le maire, l’instituteur et le curé. Cette année, nous avons donc décidé de rencontrer Roger GAUJACQ, ancien instituteur, qui a officié dans notre commune entre 1948 et 1983 soit pendant 35 années. Remontons donc dans le temps.
Roger, fils unique, est né le 27/09/1926 à la caserne de gendarmerie de Villeneuve de Marsan. En effet, son père qui était gendarme, après avoir fait la guerre de 14-18, a commencé sa carrière en Corse durant 7 années puis l’a poursuivie à Villeneuve de Marsan durant 15 ans. En 1940, à l’âge de la retraite, toute la famille a déménagé dans une maison appartenant au baron De Ravignan à Perquie. Le père de Roger occupait la fonction de régisseur adjoint du château, gérait 32 métairies et parmi des activités diverses telle la vigne, la volaille s’occupait plus particulièrement de la récolte des grains.
Après des études primaires à Villeneuve de Marsan et l’obtention du certificat d’étude, Roger est entré à l’école supérieure à Aire sur l’Adour pour passer le brevet simple et le brevet supérieur avec, pour ce dernier, comme matières supplémentaires les travaux manuels (il choisit le travail du bois, l’autre option étant la mécanique) et une langue vivante.
Après avoir passé le concours, il fût admis en 1943 à l’Ecole Normale. La période était tourmentée puisqu’en pleine seconde guerre mondiale. Ceci explique pourquoi, durant les 4 années d’études de 1943 à 1947, il bourlingua dans différentes villes de notre département. D’abord à Saint Pierre du Mont à l’Ecole Normale des filles, puis à Dax où ses voisins de chambrée étaient des allemands, retour ensuite à Mont de Marsan à Duruy.
Durant ces années de guerre, malgré son jeune âge, Roger participa à sa manière à la résistance. En effet, pour les vacances, il partait avec des camarades, le soir, en voiture, pour contrôler les stocks d’essence appartenant à la résistance, entreposés dans les fermes pour voir s’ils n’avaient pas été découverts ou brûlés. Lorsque le passage de convois ou de personnes importantes du IIIème Reich étaient annoncés dans le secteur, il participait aux guets dans Villeneuve de Marsan pour contrôler ces passages.
Roger a plusieurs cordes à son arc puisque durant son passage à l’école supérieure à Aire sur l’Adour, il a appris le violon. Sa passion de la musique l’a amené à faire partie d’un orchestre durant ces années d’Ecole Normale. Ce groupe anima le bal de la libération à Mont de Marsan, place du théâtre et la première fête auquel il participa fut la fête de Saint Médard.
Alors qu’il était encore étudiant, Roger a été convoqué à Pau à la caserne Bernadotte pour son service militaire. Le premier jour d’incorporation, après avoir perçu son paquetage et passé les examens adéquats comme tout bon soldat, il apprit à la fin de la journée qu’il était sursitaire du fait de son statut d’étudiant. Roger passa donc 15 ans en caserne mais pas en tant que militaire mais en tant que fils de gendarme puisqu’il fut ensuite dispensé du service militaire du fait de la naissance de son fils Guy en 1946.
La naissance de Guy nous amène tout naturellement à parler de la rencontre d’Irène MOUCHEZ et de Roger. Irène habitait à Bougue et les deux futurs tourtereaux prenaient la même navette pour aller à Mont de Marsan. Roger poursuivait ses études et Irène travaillait au ravitaillement. Mais la « véritable » rencontre s’effectua à Mazerolles. En effet, Roger jouait au basket dans ce village et Irène faisait du théâtre dans cette même commune. Un ami commun coéquipier de Roger et amateur de théâtre les présenta. Cette rencontre était le début de leur vie commune qui continue près de 70 ans plus tard. Leur mariage fut célébré en 1947 à Bougue.
Les études terminées, Irène rencontrée et Guy né, Roger obtint son premier poste d’instituteur à Laglorieuse pour l’année scolaire 1947/1948. Le maire de ce village, M. DARRABA lui demanda également d’être secrétaire de mairie. On était au sortir de la guerre et il y avait encore des cartes d’alimentations. Roger était tellement apprécié dans le village que chaque dimanche, une famille lui amenait un pain et une bouteille de vin de son cru. L’année scolaire se terminait et le poste de Laglorieuse fut demandé par une autre enseignant. Roger, qui n’était pas titulaire, devait se résoudre à partir malgré la pétition de la population qui demandait qu’il reste. Avant de quitter ce village, il eut quand même la joie d’enregistrer lui-même sur son livret de famille la naissance de sa fille en 1948.
A la recherche d’une nouvelle destination pour l’année scolaire 1948/1949, le poste de Maurrin était vacant. Ni Irène ni Roger ne connaissaient ce village. Roger y était passé une fois en vélo avec son père pour aller acheter une paire de chaussures.
La famille décida donc de s’installer à Maurrin et d’occuper le logement de fonction dévolu au directeur d’école situé entre les deux salles de classe. A son arrivée dans la commune, une des premières rencontres que Roger fit s’est passée devant la maison de Fernand St SEVIN maire de l’époque (maison occupée aujourd’hui par Arlette St SEVIN). Une silhouette, qui lui était familière, arrivait à pied depuis le chemin de Réchède. Quelques années auparavant, ils avaient foulé les terrains de rugby ensemble à Villeneuve de Marsan et cette connaissance n’était autre qu’André COSTES. L’arrivée de ce nouvel instituteur était un peu compliquée. La population était aigrie et énervée. Cinq enseignants s’étaient succédés en peu de temps et aucun n’était resté. De plus, cette nouvelle famille avait du mal à s’intégrer. Comme un rituel, tous les dimanches, elle allait à Bougue chez les parents d’Irène et tous les jeudis à Mont de Marsan pour acheter les fournitures scolaires. La population ne les croisait que rarement au village.
La vie au quotidien n’était pas non plus facile pour ces jeunes de 22 ans avec un enfant de 2 ans et un autre de 2 mois. En effet, il n’y avait pas encore d’eau courante au village et un puits d’une profondeur d’environ 30 mètres était présent à l’école mais ne donnait pas d’eau puisque des buses étaient cassées. Il fallait qu’Irène aille chercher l’eau à la fontaine en vélo pour les besoins quotidiens (les sceaux revenaient toujours à moitié vides). Elle lavait le linge au lavoir et à la mare dans le jardin derrière l’école. Il n’y avait pas non plus de WC dans le logement de fonction. Ces derniers se trouvaient dans la cour d’école (1 pour les filles, 1 pour les garçons et 1 pour l’enseignant). Une fois le puits réparé, la situation ne s’améliora pas radicalement puisque, quand le sceau arrivait en haut, du fait de la profondeur et du système de remontée de ce dernier, il était à moitié vide. Tous ces désagréments ont fait que Roger a demandé sa mutation et a été nommé à Mont de Marsan aux arènes. Finalement, après avoir longuement réfléchi, il refusa le poste et la famille décida de rester à Maurrin.
Le comportement des gens de la commune changea complètement changé vis-à-vis de cette famille lorsque Roger commença à s’investir en premier lieu à la chasse, Jeannot St SEVIN lui ayant donné le virus puis en 1953 à la création de l’équipe de football. Dès lors, ils étaient invités à tous les tus cochons, à toutes les dépouillères et à tous les mariages. Enfin, la vie à Maurrin devenait agréable.
A l’arrivée de Roger et cela pendant 9 ans, l’école avait une classe unique, les élèves étaient âgés entre 6 et 14 ans. Les premières années, l’écart d’âge entre le maître et les élèves n’était que de 10 ans avec les plus grands (Michel ARRAT, Pierre MONTAUD, Daniel TACHON, …). L’effectif variait entre 23 et 37 élèves.
En 1957, l’effectif s’est chiffré à 42 élèves, il y eut donc la création d’un poste d’adjoint et la deuxième salle de classe fut utilisée. C’est Martine CRAUSTE qui fut nommée à ce poste. Chose étrange, ces 2 instituteurs ont eu le même parcours puisque Martine a commencé sa carrière pendant 1 an à Souprosse puis le reste de sa carrière à Maurrin jusqu’à son départ à la retraite.
Au début, il n’y avait pas de cantine, les élèves se portaient 2 tranches de pain avec de l’omelette pour tout repas. Voyant cette situation, dans un second temps, Irène fit la soupe en complément du repas donné par les parents. Finalement, une cantine fut créée et une cantinière nommée. La première fut Léonie SEBILLE.
Roger avait une réputation d’instituteur sévère. Mais, quand les parents se plaignaient, il a toujours été soutenu par les maires successifs qu’il a connu. Tous les élèves qui ont passé le certificat d’étude ont tous trouvé du travail.
Le travail que les élèves préféraient était la rédaction libre. Ils racontaient ce qu’ils voulaient et à partir de ces textes, les meilleures rédactions choisies par les élèves étaient imprimées dans un journal de classe mensuel. Ce journal fait par l’instituteur et les élèves était imprimé à l’école en composant les textes avec des caractères d’imprimerie lettre par lettre.
Tous les ans, une kermesse scolaire était organisée et servait à financer un voyage scolaire. Quelques destinations : Gavarni, Royan, Rocamadour, Carcassonne, …
Pour l’anecdote, le meilleur élève de toute la carrière de Roger venait du quartier de Barbouats et est arrivé à l’école sans connaître un mot de français. Il fut premier du canton de Grenade et de St Sever au certificat d’étude. Il aimait beaucoup les plantes et est entré comme jardinier à la ville de Mont de Marsan puis à 34 ans a décidé de partir à la faculté pour faire une licence de droit. A son retour à Mont de Marsan, il est passé des jardins aux bureaux.
Après une longue carrière à Maurrin, Roger pris sa retraite en 1983. Une fête a été organisée par la municipalité avec la présence de la plupart de ses anciens élèves. Un moment plein d’émotion gravé dans les souvenirs. Pour l’occasion, comme « voyage de noce », Irène et Roger eurent offert un séjour en Grèce. Je pense que c’est à ce moment-là que Monsieur GAUJACQ et Madame GAUJACQ sont devenus pour tous papi et mamine.
A noter que le regroupement scolaire tel que nous le connaissons aujourd’hui a été créé en 1984.
Durant ces années passées à Maurrin, papi fut conseiller municipal pendant 3 mandats et participa très activement à la vie associative.
La première association où il s’impliqua fut la chasse. Il en fut le secrétaire durant 27 ans. Papi n’avait jamais chassé avant et comme vu plus haut, ce fut Jeannot St SEVIN qui lui donna le virus. Il fréquenta pendant de nombreuses années la palombière d’Armand DUPEYRON qui se situait en bordure du lac.
Papi fut président du Comité des Fêtes durant 9 ans. Le clou de la fête début des années 1970 était la course cycliste du dimanche. La course landaise arriva sous sa présidence fin des années 1970. Des arènes en grille étaient montées place de l’église, la buvette installée dans la grange de Francis SANSOT et les écarteurs se déshabillaient au cercle (salle des associations actuelle).
En ce qui concerne le Foyer des Jeunes, il fut un membre actif sans toutefois prendre des responsabilités. C’est son fils Guy avec des jeunes de son âge comme Jean Pierre DUBON, … qui créèrent cette association. Il participa à la tournée de Monsieur CARNAVAL dans les quartiers. Il se rappelle également des soirées gasconnes, des séances de cinéma, …
Mais papi était un sportif puisque nous avons vu que dans ses jeunes années, il joua au rugby à Villeneuve de Marsan, fut champion d’académie, s’adonna au basket à Mont de Marsan et à Mazerolles. Quoi de plus naturel que de participer à la création du club de football local en 1953. Il fut sollicité pour effectuer les démarches administratives auprès de la préfecture et à Bordeaux pour créer l’Association Sportive Maurrinoise. Une longue histoire commençait donc puisque papi est resté pendant un demi-siècle secrétaire de cette association jusqu’en 2003. Il fut également joueur pendant 9 ans. Pour sa despedida, le club, joueurs et dirigeants ont offert à papi et mamine un week-end à Séville. Quelle chance pour eux deux d’aimer le sport. Ils ont toujours vécu dans un milieu sportif, à noter que le frère de mamine était talonner au Stade Montois. Comme ils disent, « c’est bien qu’il y ait un club sportif dans le village ». Le milieu sportif est une grande famille.
Malgré une vie professionnelle bien remplie, nous avons vu que papi a eu des occupations multiples tout au long de sa vie qu’il a continué à cultiver plus ou moins à la retraite. La musique, le sport, la chasse, l’ébénisterie (fabrication de guéridons), la lecture, les mots croisés, et une passion pour le jardinage.
Pour mamine, depuis 60 ans, la seule sortie et distraction de la semaine est d’aller voir un match de football à Maurrin ou à l’extérieur.
Nous remercions papi et mamine pour leur accueil. Ils font route commune depuis 70 ans. Nous leur souhaitons de continuer encore longtemps ce chemin. Merci à eux deux pour nous avoir dévoilé des parties de leurs vies que beaucoup d’entre nous ne connaissions pas.